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Finance Durable et Gestion de Trésorerie : Risques ou Opportunités ?

Interview de Frédéric Saunier, Directeur Général de Diapason par Ludivine Garnaud, Rédactrice en Chef des évènements du groupe L’AGEFI, lors d’Universwiftnet 2023.

A l’occasion d’Universwiftnet, Frédéric Saunier, Directeur Général de Diapason, a été interviewé par Ludivine Garnaud, Rédactrice en Chef des évènements du groupe L’AGEFI sur : « Finance Durable et Gestion de Trésorerie : Risques ou Opportunités ? ».

Pour comprendre l’impact de l’ESG sur les départements de trésorerie, et découvrir si la Finance Durable est un risque ou une opportunité pour les trésoriers ? Ecoutez l’interview :

Comment l’ESG (Environnement, Social, Gouvernance) entre-t-il en jeu dans le département trésorerie ?

L’ESG n’est pas une nouveauté, mais ce qui est récent, c’est la prise de conscience croissante que l’ESG n’est pas un obstacle à la productivité, mais au contraire, il crée de la valeur pour les actionnaires, attire les investisseurs, les talents et les clients. Cette prise de conscience s’étend désormais à l’ensemble de l’entreprise, y compris à la trésorerie. Le trésorier, en tant que banquier central de l’entreprise, joue un rôle transversal, notamment dans la politique de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), la stratégie de financement, les investissements financiers, la chaîne d’approvisionnement et la digitalisation de sa fonction.

Quels types de financements sont concernés par la prise en compte des enjeux ESG ?

Il existe déjà une diversité de financements ESG, et si l’on regarde en arrière, il y a une décennie environ, l’International Capital Market Association a établi les premiers “Green Bound Principles” (Les principes de l’écolabel), qui définissaient des normes pour les émissions d’obligations vertes. Ces normes visaient à assurer la transparence et l’intégrité des projets financés par ces obligations.

Depuis lors, ces normes ont évolué, et aujourd’hui, nous assistons à l’émergence de nouveaux types de financements durables, notamment les “crédits à impact”. Ces crédits bancaires, qui peuvent prendre diverses formes, sont assortis de bonus ou de malus en fonction de l’engagement global de l’entreprise en matière de durabilité. Cela va au-delà des financements “fléchés” et repose sur une trajectoire de durabilité globale, ce qui peut inclure des objectifs tels que la réduction de la consommation d’énergie ou l’égalité des genres.

La pression est très forte pour, à la fois les investisseurs institutionnels et les investisseurs particuliers. Cela pousse les entreprises à s’orienter vers des financements durables. Cette année, au premier trimestre 2023, nous avons battu un record avec 164 milliards de dollars d’émissions d’obligations vertes. Il y a des raisons conjoncturelles à cela, mais aussi une forte appétence des investisseurs pour les investissements durables.

Vous avez évoqué différents types d’opérations de financement, et il est de plus en plus clair que les opportunités dans ce domaine sont variées. Pourriez-vous nous lister les opportunités et également aborder les risques ?

En ce qui concerne les opportunités, il y en a deux principales. La première, bien que pouvant sembler marginale, réside dans la possibilité de bénéficier de conditions de financement avantageuses si l’entreprise respecte ses engagements en matière de durabilité. Cela peut avoir un impact réel sur les coûts financiers. La deuxième opportunité concerne l’image de l’emprunteur. Les entreprises qui empruntent sur ces marchés verts bénéficient d’une image vertueuse, ce qui peut être un atout considérable. En fait, cela devient de plus en plus une obligation, car les investisseurs demandent de plus en plus ce type de financement, et il y a un risque de réputation si une entreprise ne s’engage pas dans cette voie.

Passons maintenant aux risques. Il y a eu plusieurs cas notables de controverses dans les médias. Par exemple, une partie de l’agrandissement de l’aéroport de Hong Kong a été financée par des obligations vertes, ce qui a soulevé des questions, voire des critiques de la part d’organisations de défense de l’environnement. Il y a une certaine contradiction dans ces cas. Cependant, la réglementation évolue, notamment en Europe, pour mieux encadrer ces pratiques. Il y a une pression croissante des autorités européennes pour que la réglementation soit plus stricte en la matière. Il convient de noter qu’une obligation déclarative, appelée CSRD, a été introduite, et obligera un grand nombre d’entreprises à rendre des comptes à partir du 1er janvier 2024. Cependant, cette réglementation a été en partie allégée en réponse à des pressions de certains lobbies. Malgré cela, l’évolution de la réglementation devrait contribuer à éviter certains écueils et inciter à plus de transparence.

En ce qui concerne la politique d’investissement, quelles sont les tendances actuelles ?

Effectivement, la politique d’investissement est étroitement liée au financement. De nos jours, il existe de nombreux supports labellisés ISR (Investissement Socialement Responsable), proposés par des sociétés de gestion et des banques. Cela offre un large éventail de choix pour ceux qui souhaitent investir de manière responsable. La question récurrente est de savoir s’il est possible de générer des rendements financiers tout en poursuivant des objectifs ISR. Une étude intéressante publiée dans la Revue de l’Économie Financière, rédigée par des collaborateurs du groupe Schroders, a exploré la question de la durabilité par rapport au rendement financier. L’étude suggère qu’il est tout à fait possible de générer un rendement financier positif, voire de dégager de l’alpha positif en investissant dans des fonds ISR.

Cependant, la question qui se pose est de savoir si l’objectif principal est de réaliser des profits financiers ou de contribuer à des investissements socialement responsables, voire les deux.

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Donc, il est possible de réaliser des rendements financiers tout en poursuivant des objectifs ISR. Mais quels sont les risques associés à ces investissements ?

Le risque majeur est essentiellement le même que celui mentionné précédemment pour les financements durables, à savoir le “greenwashing” ou (éco-blanchiment). Une étude publiée par la Banque de France en mars dernier a examiné les fonds labellisés ISR pour déterminer s’ils étaient effectivement plus “verts” que les fonds non labellisés. L’étude a mesuré l’écart d’intensité carbone entre ces deux catégories de fonds, révélant que les fonds labellisés avaient en moyenne une intensité carbone inférieure de 20,1 % pour les émissions du Scope 1 et de 14 % pour les émissions du Scope 2 et 3. Cependant, certains ont fait remarquer que ces chiffres étaient des moyennes, et lorsqu’on examine un fonds ISR spécifique au hasard, il y a une chance sur deux qu’il soit moins “vert” qu’un fonds non labellisé. Cela soulève des questions quant à la réalité écologique des investissements ISR. Il est donc important de ne pas se fier uniquement au label ISR, car la réalité écologique des investissements peut varier considérablement.

Cependant, il y a des signes positifs, car le comité du label ISR a annoncé récemment un renforcement des critères pour obtenir ce label, ce qui va dans la bonne direction. On peut espérer que cela contribuera à une amélioration globale de la qualité des investissements ISR.

Quel rôle le trésorier peut-il jouer dans le verdissement de la chaîne d’approvisionnement d’une entreprise ?

Le trésorier n’est pas directement responsable de la chaîne d’approvisionnement, mais il peut intervenir à plusieurs niveaux. Par exemple, il peut collaborer avec les services achats pour évaluer la vertu des fournisseurs. Un cas pratique a montré comment le trésorier a utilisé des mécanismes de “reverse factorings” ou affacturage inversé, liés à la durabilité pour influencer la Commission d’affacturage. Cela montre comment le trésorier peut contribuer à la chaîne d’approvisionnement.

La transition énergétique est souvent liée à la transition numérique. Comment la digitalisation des processus de trésorerie peut-elle contribuer à l’amélioration de la durabilité ?

La digitalisation de la trésorerie est déjà largement avancée, mais il reste des domaines à améliorer. La réduction du papier, la signature électronique, et la gestion numérique des termes et conditions des transactions sont des exemples de progrès. La digitalisation contribue à la durabilité en réduisant la consommation de papier, tout en automatisant et sécurisant les processus.

La digitalisation offre également la flexibilité nécessaire pour gérer les termes et conditions de transactions durables. Cela peut avoir un impact sur le coût de la dette et la comptabilité. Il faut pouvoir suivre les modifications liées à la durabilité.

La digitalisation s’effectue par l’implémentation d’une solution de gestion de trésorerie qui est un bon moyen pour suivre les informations relatives aux termes et conditions des transactions durables, y compris les indicateurs de performance ESG (Environnement, Social, Gouvernance).

En conclusion, les trésoreries sont déjà impliquées dans les politiques RSE et l’impact des financements et des investissements sur ces politiques. Le marché, les investisseurs et la réglementation poussent également dans cette direction. La digitalisation de la trésorerie progresse rapidement, avec des avantages en termes de durabilité, d’automatisation et de sécurisation des processus.

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A propos de l’auteur

Célia Tinoco, Chargée de Marketing & Communication

Célia a rejoint l’équipe Marketing en tant que Chargée de Marketing & Communication. Ainsi, sur la partie content, elle rédige des articles de fond et d’actualité sur les sujets autour du métier de trésorier. De la sorte, elle espère donner aux trésoriers des clefs pour mieux maîtriser leur gestion de trésorerie et les accompagner au quotidien.

Celia Tinoco

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